L'hydrogène est-il l’avenir du bateau ?

Le premier bateau de plaisance au monde à hydrogène, Hynova Yacht vient de sortir du chantier de La Ciotat pour une prestigieuse exposition sur la terrasse Yacht Club de Monaco.

Bateau à hydrogène au Yacht Club de Monaco
Le bateau à hydrogène exposé au Yacht Club de Monaco

Il s'agit d'une belle consécration pour Chloé Zaied, fondatrice de projet. En effet, le Yacht-Club est un des précurseurs majeurs de l’éconavigation en mer comme nous avions pu le constater lors du Solar Boat Challenge de 2016. C'est l'occasion pour seaZen, spécialiste de la location de bateaux solaires, de faire le point sur le transport à hydrogène et les perspectives pour le nautisme.

Quel est le principe du bateau à hydrogène ?

Imaginez un bateau à moteur traditionnel, dans lequel on remplace le moteur thermique par un moteur électrique. Pour alimenter ce moteur électrique avec autant d’énergie que si vous aviez un moteur à explosion avec un réservoir à carburant fossile, vous devriez normalement installer des batteries. Avec les technologies d’aujourd’hui et vue la quantité d’énergie libérée par le diesel, il faut beaucoup de batteries si on veut conserver la même autonomie. Les batteries occupent de la place et sont surtout très chères et très lourdes. 

Hynova a imaginé de remplacer les batteries par un « combustible électrique ». En l’occurrence de l’hydrogène. On appelle cela une pile à combustible. Dans la pile à combustible, l’hydrogène produit de l’électricité et dégage de l’eau.

Le Yacht Hynova en construction à La Ciotat
Chloé Zaied présente le yacht Hynova dans le chantier de La Ciotat

Comment s’approvisionner en hydrogène ?

Pendant de nombreuses années, l’hydrogène ressemblait à un mirage technologique. Les experts nous énuméraient des difficultés insurmontables : 

  • L’hydrogène est produit à partir de pétrole ce qui est un non-sens écologique
  • L’hydrogène doit être stocké sous forme liquide à moins… 252 °C
  • La durée de vie des piles à combustible est limitée

Tout n’est pas faux. Si on cherche tout de suite à utiliser de très fortes puissances, en usage intensif dès aujourd’hui, cela pourrait revenir cher à l’usage. Il se trouve que la navigation de plaisance se pratique en loisir et cela simplifie considérablement la donne.

Mais revenons à la production de l’hydrogène. L’hydrogène « vert » peut être produit à partir de l’eau par électrolyse, un procédé pour produire de l'hydrogène sans polluer à condition que l'électricité utilisée soit « verte ».  L’Écosse se lance dans la production d’hydrogène avec des éoliennes en mer, une première centrale sera mise en service en 2024 à Aberdeen et alimentera à terme les stations de carburant, les trains comme celui d'Alstom et bus. Plus près de nous, le navire Energy Observer que nous suivons depuis 2017 démontre que cette électrolyse peut se faire en mer avec des panneaux solaires. L’utilisation de l’hydrogène ne se limite pas au transport, il servira à produire des aciers ou des ciments plus verts. Grâce à toutes ces perspectives de plus en plus concrètes, les investissements affluent. La massification des moyens de production est la clef pour atteindre un coût raisonnable de l’hydrogène. Les obstacles liés au coût de fabrication de l'hydrogène vont progressivement se lever.

Une fois l’hydrogène produit, il faut le stocker. Un bateau hors-bord navigue à la journée et rentre le soir. Il n’a pas vraiment besoin de cabines pour le séjour des passagers. Toute la place libérée permet de stocker des réservoirs haute pression classiques.

Quant aux piles à combustible, les solutions existent. L’incubateur Energy Observer Developments - encore eux ! - a mis au point une pile à combustible pour les applications marines.

Quel est l’avenir du transport à l’hydrogène ?

L'erreur consiste à imaginer que les usages ne vont pas changer et qu'une technologie va se substituer à une autre aussi simplement que cela. En fait les solutions vont s'adapter aux usages qui eux-mêmes vont changer. Prenons un peu de recul sur l'hydrogène.

Trouver le bon mix entre pile à combustible, batterie, photovoltaïque et vent

Il ne faut pas oublier que les batteries continuent de progresser. En France, le CEA pousse de nombreuses innovations concernant la puissance, le recyclage et la durabilité. Ainsi le prix des batteries pour véhicules électriques a déjà baisé de 90% depuis 2010.

Le bateau à l'énergie solaire est également très prometteur en plaisance, notamment pour les promenades en bateau et la location de bateau sans permis. Depuis 2016 seaZen a accueilli plus de 4000 visiteurs, parcouru plus de 4000 miles nautiques et n'a pas consommé un kilowatt sur le réseau électrique. La preuve est faite !

2 bateau solaires opérés par seaZenLes bateaux solaires se louent à Nice ou à Antibes

Les voiliers ne sont pas en reste. Ils continuent à progresser et nul doute qu'il pourrons recharger leurs batteries en navigant à la voile grâce à des hélices qui tourneront sous l'eau, des hydrogénérateurs. Même la marine marchande va passer à la voile. Ainsi, dès 2021, les cargos de Neoline mettent les voiles pour Bénéteau. Qui l'eût cru ?

En résumé, toutes les sources d’énergie se complètent et le choix se fera en fonction des usages.

  • Les voiliers continuent à évoluer parmi un public amateur fidèle et passionné.
  • Les bateaux à moteur passeront sans problème du moteur thermique à l’électrique comme ils l'ont déjà fait en quittant les pistons à vapeur pour le moteur thermique.
  • Le bateau solaire pourrait également séduire un large public, car il combine la simplicité du moteur et le charme de la voile.

L'hydrogène est aussi une solution pour les airs

Même l’avion s’y met. Dans les airs, il parait difficile à croire que les batteries ont de l’avenir à cause de leur poids. À la recherche de solutions, le constructeur Airbus pense que le carburant hydrogène pourrait alimenter directement les réacteurs ou des turbopropulseurs à hélice. Dans ce cas nous n’avons même pas à installer des piles à combustible, ce qui est "plus simple". En fait, la difficulté de « taille » consiste à stocker l’hydrogène sous forme liquide à -250 degrés.

Aile volante Airbus à l'étude pour 2035
Aile volante Airbus à l'hydrogène en projet pour 2035

En conclusion, la multiplication des usages pour l'industrie et le transport va rendre l'hydrogène incontournable. Alors en mer ou dans les airs, embarquement pour l'hydrogène !

4000 VOYAGEURS ET ZÉRO KW CONSOMMÉ PAR CE BATEAU SOLAIRE